L’oiseau de feu

La Camargue n'était pas encore ce havre de paix et de liberté que le monde nous envie. Non! au commencement n'étaient que des marais et des sansouïres infestés de moustiques gros comme des planeurs et forcément il n'y avait personne.

Puis comme la terre semblait bien belle et les plages de sable fin bien tentantes, quelques animaux se sont installés.
Ils étaient moches! Moches et surtout mal fichus! sans plume ni aile, sans fourrure ni pelage, sans croc ni griffe, incapables de courir vite, de sauter haut, de bien nager ou de grimper aux arbres rapidement... bref des gros nuls!

Histoire avec “endoravissement” musical 12:00

Histoire seule 8.06

  • La photo de la carte est de l'Aubergiste
  • L’histoire est inspirée du livre “ROUGE-GORGE ou comment le feu est venu au monde” de Pierre DELYE, illustrée par Martine BOURNE. L’aubergiste l’a installé en Camargue
  • La musique est Dreamcatcher. Alexandre DESPLAT

Cette histoire vous a plu?

Je vous propose de mettre à votre disposition l'enregistrement des histoires au format .mp3. Elles seront ainsi plus faciles à télécharger dans les voitures (oui, quelquefois c'est un peu long d'accompagner ses petits à l'école!)

Et pour vos prochaines grandes transhumances vers la Camargue, n'hésitez pas à en faire un grand chapelet pour le temps du voyage.
Lors de votre arrivée, vos petits seront calmes et déjà parfaitement intégrés dans notre univers... très atypique!

Remarque : Merci de noter que les enregistrements OFFERTS ne contiennent que l'histoire racontée par l'aubergiste... sans la musique protégée par des droits des auteurs

N'hésitez pas à me donner les prénoms de vos enfants!

La prochaine fois que j'écris une de mes petites histoires, j'en ferai les héros et... lors de votre prochaine ESCAPADE EN CAMARGUE, j'aurai la joie de la lui raconter en direct live à l'issue de la première TABLE D'HÔTE partagée.

La bonne idée !

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Chaque saison, l'aubergiste envoie un livret (facile à imprimer!) à ses petits amis. Dessins, coloriages, photos des petits animaux de l'auberge, recettes... avec les liens de téléchargement des dernières histoires.
Voilà celui ou celle qui va recevoir les cadeaux du Petit Monde de LA TABLE à RALLONGE
Rien d'obligatoire sauf si vous souhaitez, un jour, personnaliser une histoire pour vos petits... et la ville c'est juste pour voir d'où l'on visite le site... mais ça peut-être Petaouchnock.

L'histoire à raconter par les parents... ou à lire tout.e seul.e!

Demandez à vos petits d'enregistrer cette histoire en y mettant de la vie... vous aurez des surprises!

La Camargue n'était pas encore ce havre de paix et de liberté que le monde nous envie. Non! au commencement n'étaient que des marais et des sansouïres infestés de moustiques gros comme des planeurs et forcément il n'y avait personne.

Puis comme la terre semblait bien belle et les plages de sable fin bien tentantes, quelques animaux se sont installés.
Ils étaient moches! Moches et surtout mal fichus! sans plume ni aile, sans fourrure ni pelage, sans croc ni griffe, incapables de courir vite, de sauter haut, de bien nager ou de grimper aux arbres rapidement... bref des gros nuls!

Ces animaux moches et mal fichus survivent comme ils peuvent. Les moustiques s'en régalent et tous les oiseaux du coin se moquent d'eux... Tous, sauf un petit oiseau discret, au plumage gris poussière qui vient tous les jours les observer et les regarder tristement

- Je n'aime pas que l'on se moque d'eux. Tout cela parce qu'ils sont sans défense. J'aimerai tellement les aider... mais je suis trop petit et ne peut rien faire moi-même. Il faudrait trouver quelqu'un de fort, de puissant... et de gentil aussi...

Et le petit oiseau réfléchit.

- Ça y est! je sais!

Aussitôt le petit oiseau s'envole. Il va voir celui qui peut faire la nuit et le jour, le beau et le mauvais temps... mais qui habite drôlement loin... il monte voir le soleil!

Il grimpe l'oiseau, il escalade le ciel, Il va plus haut que jamais et dépasse sa propre peur, Il passe au dessus des nuages et ne se laisse pas rattraper par sa fatigue.

Le soleil, qui regarde ce petit oiseau arriver est aussi impressionné par son exploit... que ravi de cette visite!
Le petit oiseau lui est intimidé par le soleil et ébloui par son sourire.
Il n'a pas de temps à perdre car il ne peut pas s'arrêter de battre des ailes et sa fatigue grandit à chaque instant.
Il raconte très vite le malheur des animaux moches et mal fichus, leur espèce de survie et il termine en disant :

- Tu sais, Soleil, leur vie n'est pas une vie!

Le Soleil est ému, il demande au petit oiseau :

- Et comment s'appellent ces animaux moches et mal fichus dont tu me parles?

- Ce sont les humains... Tu peux faire quelque chose pour eux?

- D'abord laisse-moi réfléchir...

Le petit oiseau continue à mouliner des ailes. Il s'accroche pour ne pas redescendre, Il s'accroche de toutes ses forces

Le Soleil s'illumine soudain. Il l'a, son idée!
Il se cueille un rayon, qu'il roule en boule entre ses mains, puis en boulette entre ses doigts.

- Petit oiseau, dit-il, rapproche-toi et ouvre grand ton petit bec.

Le soleil vise et catapulte la boulette au fond du bec de l'oiseau.

- C'est pour les humains, alors ferme ton bec maintenant et va leur donner rapidement. Dis-leur que c'est de notre part à tous les deux et que cela leur sera très utile! Allez, file.

Le petit oiseau se décroche du ciel et redescend vers la terre. Il se dépêche car il veut leur donner au plus vite ce morceau de soleil qui le brûle de l'intérieur.

Enfin, arrivé en bas, il se précipite chez les enfants, les femmes et les hommes. Il dépose la boulette de soleil sur un tas de paille pour qu'elle ne se casse pas.
A peine a-t-elle touché son nid que la boulette éclot et donne naissance au premier feu du monde.

-Oh! dit un femme. Ça réchauffe!

- Ouah! dit un enfant. Ça éclaire!

-Ouaille! dit un homme. Ça brûle!

Bouches bées, tous regardent le feu.
Tout heureux, que son cadeau leur plaise, le petit oiseau dit aux humains :

- C'est de notre part, au soleil et à moi. Mais attention, ce n'est pas pour jouer avec...

Les humains sortent aussitôt pour remercier le Soleil, puis retourne voir le petit oiseau.

-Grâce à toi nous allons pouvoir vivre et non plus survivre. Dis-nous ton nom, s'il te plaît, nous te promettons de ne jamais l'oublier.

Le petit oiseau gêné, se regarde le bout des pattes, hausse les épaules et marmonne :

- Je n'en ai pas de nom. C'est comme ça. Mais ce n'est pas grave...

- Ne pas avoir de NOM! Mais c'est terrible! Comment se souvenir de toi? Nous avons tous droit à un nom et nous allons t'en trouver un... si tu veux bien.

Tous se mettent à regarder l'oiseau, une plume embarrassé par tant d'attention.

Soudain un enfant s'écrie : Regardez! Les plumes de sa gorge sont toutes rouges. C'était tellement chaud qu'il a commencé à brûler de l'intérieur! Et si on l'appelait ROUGE-GORGE?

Et c'est ainsi que le feu est né en Camargue chez des humains... qui malheureusement ont toujours aimé jouer avec.

Quant à ROUGE-GORGE il est devenu l'ami de nos jardins. Curieux, un tantinet effronté, il se sent comme un vacancier... chez lui chez nous. Il ne faut pas l'oublier quand l'hiver dure car si nous sommes bien au chaud dans nos maisons, c'est grâce à lui!

Lui... qui est dehors et qui espère toujours que les humains seront un jour moins bêtes... et plus humains.

Mais que sont ces bruyantes bestioles?
Dans le tiercé vedette des animaux de Camargue, taureaux, chevaux et flamants roses sont régulièrement sur les premières marches du podium.
Et pourtant les vacanciers en vadrouille, qui découvrent notre belle région, sont régulièrement intrigués par une minuscule bestiole... Une bestiole si insignifiante que l’on ne la voit jamais, ou alors il faut avoir de très bons yeux... et de la chance!
On ne la voit jamais mais... on l’entend!... du matin jusqu’au soir!

Sachant que la nature ne laisse rien au hasard et que chaque plante, chaque animal, chaque insecte à sa raison d’être...
La principale question de nos joyeux vacanciers est : - Mais à quoi servent donc ces bruyantes bestioles?
La réponse se trouve dans cette légende

Il y a bien longtemps, les anges avaient prévu de prendre leurs vacances dans le su de la France et ils se réjouissaient
de découvrir le village le plus typique de Camargue : Saint-Laurent d’Aigouze.

On leur avait vanté le traditionnel moment d’apéritif, juste sous les platanes, au pied de l’église, avec un petit verre anisé à la main et ils avaient hâte de regarder les parties de pétanque endiablées, jadis autorisées sur la Place de la République.

Un jour d’été, les anges s’envolèrent donc vers ce petit coin de Paradis .
Le voyage avait été encombré par de nombreux bouchons sur les voies céleste et les anges arrivèrent dans la région
un peu après midi.

Le soleil de plomb qui s’abattait sur le village n’arrangeait rien aux affaires des anges qui ne trouvèrent aucun troquet ouvert pour se désaltérer.
Tout était fermé! Hôtels, bars, restaurants, magasins... et les rues du village étaient désertées
«Oh!oh! Mais que ce passe-t-il par ici?»
Le soleil brûlait des champs vides semblant à l’abandon et de nombreuses terres en friches.

Après réflexion, les anges se rendirent à l’Église en se disant que le curé pourrait les renseigner.
Ils furent surpris de ne pas le trouver en prière... mais profondément endormi dans le confessionnal.
Un comble!
Après un échange d’angéliques calottes et de présentations d’usage, ils demandèrent à ce curé échevelé, la raison
de ce grand vide et de cette absence d’activité alors que la saison estivale battait sont plein.
« Mais, c’est l’heure de la sieste, mes bons amis» dit le curé
Incroyable!
Toute l’activité d’une région était à l’arrêt! Toute la population était confinée de son plein gré, sans récrimination, sans manifestation populaire et ceci, sans aucune urgence gouvernementale.

Le curé eu beau dire, que le soleil de Camargue était trop violent pours’activer, qu’ici les gens vaillants travaillaient à la fraîche :
très tôt le matin... quand il n’ont pas fait la fête la veille
ou plus tard le soir... juste avant de se retrouver à l’apéro
... ce qui expliquait l’état déplorable des champs!

Il n’hésita pas à signaler que, par chance,
les nombreux touristes avaient ainsi le bonheur de se lever deux fois par jour, une fois le matin et une fois l’après-midi.

Il tenta même de convaincre ses interlocuteurs ailés que ce régime, dit «méditerranéen», était sans aucun doute
le meilleur moyen de vivre longtemps et en très bonne santé... Sans succès!

Les anges se fâchèrent très fort contre les camarguais et décidèrent d’annuler leurs réservations,
de multiplier les avis négatifs sur avisdevoyages.com et de retourner, illico presto, faire un rapport à leur Grand Patron.

Celui-ci écouta, abasourdi, la mésaventure des anges.

Conscient d’avoir peut-être un peu trop gâté la Camargue en matière de soleil et de liberté.
Il se mit à réfléchir.

«Si je n’interviens pas, non seulement les camarguais vont avoir une réputation de fainéants sur l’ensemble des réseaux sociaux...
mais ils vont aussi faire des envieux dans les régions moins favorisées.
Les bretons, les ch’timis, les alsaciens et les autres vont se mettre à manifester pour avoir du soleil et du bon temps à part égale
... même en dehors des vacances!»

Dans sa grande sagesse (et aussi parce que s’était son boulot!) il décida de créer une nouvelle espèce :

un insecte «tambourinaïre» qui, dès que le soleil chaufferait à plus de 25°, ferait de la musique... Fort... très fort
empêchant ainsi les camarguais, les camarguaises et tous les vacanciers attirés par cette belle région
de prendre de trop mauvaises habitudes!

C’est ainsi qu’est née notre cigale.

Quand le diable rôdait encore à Saint-Laurent d’Aigouze
Histoire adaptée d’un conte populaire du Québec, collectée par Cécile Gagnon,
installée en Camargue par l’Aubergiste de LA TABLE à RALLONGE

Martin Charon habitait dans la petite tour que l’on voit sur la berge du Vidourle, le fleuve qui longe le joli village de Saint-Laurent d’Aigouze

Sa seule fortune était une barque et pour gagner sa vie, il était passeur. Il faisait traverser le Vidourle à tous les gens qui souhaitaient se rendre au marché de Marsillargues.

C’était un travail pénible car le fleuve était, comme aujourd’hui, capricieux et rapide. Il fallait ramer fort et quelques fois les passagers étaient bien lourds.
Un jour qu’il transpirait abondamment en transportant le berger Matthieu... et tous ses moutons, il se dit :

Je vais construire un pont et je ferai payer le passage. Ainsi je serai moins fatigué et je deviendrai plus riche.

Il commença donc à ramasser de grosses pierres et toutes les ferrailles qu’il put trouver mais les pierres étaient lourdes et le travail harassant pour un homme seul.
Assis au bord de l’eau, à contempler la tâche qui l’attendait, il se mit à se désespérer. “Ah! que c’est triste.
Si je pouvais terminer mon ouvrage, je serai riche mais aujourd’hui je n’ai pas d’argent pour payer un ouvrier qui pourrait m’aider”
- mmh, mmh ! excusez-moi !
Martin se retourna et vit un drôle de bonhomme avec deux petites cornes et une longue queue (je crois bien que c’était un diable)
- mmh, mmh ! excusez-moi ! Voulez-vous que je vous aide?
- Si je veux? Mais je ne demande pas mieux! J’accepte votre service avec joie car la construction de ce pont me tient à cœur. Que voulez vous en échange de votre travail?
- Oh! e ne vous demanderai qu’une chose...
- Demandez-moi tout ce que vous voudrez je vous l’accorde d’avance dit Martin qui se sentait envahir par la joie.
- Très bien! Je veux simplement que vous m’apparteniez, un an après la fin des travaux. J’ai besoin de vous.
- C’est convenu, je vous donne ma parole dit Martin avec enthousiasme.

Le lendemain, le bonhomme arriva avec une vingtaine d’hommes forts et vigoureux, qui se mirent à transporter les cailloux, scier, bâtir... tant et si bien qu’en quinze jours à peine le pont fut construit.

Et non seulement les gens du village, conscients de l’importance de ce pont, acceptèrent de payer à Martin un droit de passage, mais les autorités du canton lui remboursèrent avantageusement ses heures de labeur.
Martin devint riche et, très vite, il se maria avec la Toinette, la plus jolie et surtout la plus maline des filles du village.
Pour le récompenser, les villageois donnèrent même à une des rues le nom de “rue de la barque” en souvenir de son travail de passeur (elle passe tout près de la pharmacie et se nomme aujourd’hui Rue Babinot)

Tout était magnifique, mais au bout de presque un an, Martin commença à s’inquiéter. La Toinette qui le connaissait bien lui demanda de s’expliquer et Martin lui avoua : “ J’ai conclu un marché avec un bonhomme qui m’a aidé à construire le pont et dans quelques jours il va venir me chercher. Je lui ai promis de lui appartenir”
- Malheureux, dit la Toinette, je crois bien que tu t’es vendu au diable!”
Les deux époux eurent beau pleurer et se lamenter, le mal était fait et il fallait trouver une solution pour se libérer de la promesse faite au diable. Comment faire ?
Martin se triturait les méninges sans succès mais Toinette lui demanda :
- Quand le diable doit-il venir?
- Ce soir même lui dit son mari
Toinette réfléchit un long moment en silence, puis finir par chuchoter
- J’ai peut-être une idée pour te sauver. Laisse-moi agir seule.

La nuit allait tomber, quand on entendit frapper à la porte. Toinette ouvrit et bien sûr c’était le bonhomme avec ses deux petites cornes et sa longue queue.

- Bonsoir Madame, comme on doit toujours tenir ses promesses, je viens chercher Martin qui m’appartient depuis 10 minutes déjà.
Toinette lui dit
- Bonsoir Monsieur, entrez-donc, effectivement, comme vous le dites, tenir ses promesses c’est très important… mais puis-je vous demander en faveur, de me laisser Martin encore quelques instants?
- Hé, hé, hé ! Et pour combien de temps, madame? dit le diable avec un ricanement
- Vous voyez cette minuscule chandelle qui est allumée sur la table, je vous demande juste le temps qu’elle mettra à brûler.
- Hé, hé, hé ! D’accord Madame, ce ne sera pas long, je vous promets de ne pas l’emporter tant qu’il y aura de la cire.
Toinette s’approcha aussitôt de la table et de toute la force de ses poumons... éteignit la bougie.

Le diable avait compris, se mit en colère, tapa du pied et jura très fort car il était furieux d’avoir été trompé.
Mais il avait promis et dut quitter la maison de Toinette et Martin.
Toinette, le voyant s’éloigner, lui cria
- Vous n’aurez pas mon Martin de sitôt, car jamais je ne rallumerai ce petit bout de chandelle
Et c’est ainsi que Toinette sauva son Martin... qui raconte tous les jours au troquet que sa femme est beaucoup plus rusée que le diable.

Quant au pont construit par ce vilain diable, il est toujours debout et vous le traverserez sans doute si vous allez faire un tour, chez mes amis du PARC FLORAL « Les Sens des 5 Continents » à Marsillargues

Ssssi tu bouges, j’te mords
Histoire adaptée d’un conte populaire du Québec, collectée par Cécile Gagnon,
installée en Camargue par l’Aubergiste de LA TABLE à RALLONGE

Ce jour là, il fait beau, comme il faut. Il fait chaud mais pas trop et, au milieu des prés de saint-Laurent, un taureau se pavane. Il n’a peur de personne et tout le monde à peur de lui.
Il est grand, il est beau, il est fort. Il est le roi de la Camargue et il le sait. C’est un taureau bien fier d’être... LUI-MÊME!

Soudain un sssifflement sinistre monte de dessous ses sabots. - Siii tu bouges, j’te mords et Ssssi j’te mords, t’es mort.

Le taureau se statufie. Cette sssi sssifflante voix le pétrifie. Elle appartient à une vipère Assspic, une essspèccce de ssserpent sssinueux, sssournois et sssurtout mortel.
Le taureau ne bouge pas, patte en l’air et air bête. Le temps passsse, les marais sss’épanouissssent autour de lui et le taureau craque, il n’en peut plus de ne plus bouger.
Il baisssse doucccement la tête et voit le ssserpent. Il comprend tout de sssuite la menaccce : Ce ssserpent-ccci à tout l’air de vouloir mordre d’abord et de réfléchir après.

- Serpent, demande circonspect le roi des marais, Pourquoi veux-tu me mordre, MOI, le taureau qui ne t’ai jamais rien fait et qui n’avait rien prévu de te faire
- Cccc’est parccce que tout le monde dit que le taureau est le plus fort, or ccc’est moi le plus puisssssant, Siii tu bouges, j’te mords et Ssssi j’te mords, t’es mort.
- C’est normal que je soit le plus fort, puisque je suis le roi et c’est normal que je sois le roi puisque je suis le plus fort! C’est une évidence et une évidence , cela s’admet, non?

Le serpent penssse, le taureau pose et les minutes se prennent pour des heures. - J’ai réfléchi, dis le serpent, Siii tu bouges, j’te mords et Ssssi j’te mords, t’es mort.

Le taureau, ne voyant pas comment s’en sortir, se remue les méninges. - Serpent, voici ma proposition : faisons un sondage, interrogeons les trois premiers que nous croiserons et demandons-leur QUI est le plus fort. S’ils répondent que c’est toi, je reconnaîtrais ta supériorité et s’ils disent que c’est moi, alors nous aviserons. D’accord?
- Ssssoit, qu’il en sssoit fait ainssssi!

Le taureau s’éloigne suivi du serpent qui ne le lâche pas d’une semelle. Impossible pour lui de s’enfuir. Ils finissent par débusquer une grenouille toute bleue et toute mignonne.
Comme elle manque de s’évanouir en les voyant, le taureau la rassure.
- Grenouille ce n’est pas l’heure d’avoir peur mais de répondre. A ton avis du serpent ou de MOI qu’il est le plus fort?
- Oh, pour moi vous êtes aussi terribles l’un que l’autre. Avec vous qui se sauve survit! Et sur ces bonnes paroles, la grenouille prends la fuite et ... ne la lâche plus.

Le taureau se retourne vers le serpent et s’exclame : - Elle à raison! Nous sommes aussi forts l’un que l’autre! D’accord?
- NAN, Siii tu bouges, j’te mords et Ssssi j’te mords, t’es mort. Le taureau soupire et repart suivi du serpent entêté.

Un peu plus loin il déniche un ragondin aux grands yeux sombres. Il tremble tellement que ses dents jaunes claquent toute seules. C’est encore le taureau qui parle :
- Ragondin, ce n’est pas l’heure d’avoir peur mais de répondre. A ton avis du serpent ou de MOI qu’il est le plus fort?
-Héé bien, monsieur le taureau, répond le ragondin, qui a retrouvé son calme, vous savez morsure de l’un ou coup de corne de l’autre, avec vous c’est la mort... sûre!
Alors si l’on se sauve on est sauvé! Le taureau et le serpent regarde le ragondin s’échapper.
- Tu vois dit le taureau, ils sont tous d’accord et MOI aussi! Topons là, sinistre serpent et séparons-nous !
- NAN, Siii tu bouges, j’te mords et Ssssi j’te mords, t’es mort. Un point cccc’est tout.

Le taureau résigné, accompagné du serpent obtus, repart à la recherche du troisième avis.
Au bout du marais, ils finissent par trouver un gardian à cheval.  (En Camargue c’est moins difficile à trouver qu’une fraise des bois !)

Le taureau, comme d’habitude prend la parole :

- Gardian, ce n’est pas l’heure d’avoir peur ... - J’ai peur de personne !
-Exaaact... J’aimerais que tu me dises qui est le plus fort... - C’est MOI !
- C’est juuuste mais écoute toute la question s’il-te-plait. Qui est le plus fort... - C’est MOI !
- C’est vraiii ! Mais es-tu têtu toi ! Je te demande qui est le plus fort entre MOI et ce serpent sadique ici présent?
Le gardian, de peur de se tromper, prend le temps de réfléchir et finit par répondre - C’ESTMOI !

Le taureau livide et le serpent dépités s’éloignent et se remettent en quête d’un troisième avis.
Celui-ci se présente bientôt, sous la forme d’un oiseau au long bec.
Le taureau qui n’en peut plus, attaque en direct :
- Ah! Oiseau! t’as une drôle d’allure avec ce long bec ... t’es qui toi ? demande-t-il, sans remarquer que le serpent cherche soudain à se faire discret.
- Je suis un héron, votre majesté
- Un nez? rond ?
- Non, un Héron, sire répond l’oiseau en lorgnant avec appétit le serpent qui se cache derrière la patte du taureau
- Bien... Néron, j’ai une question pour toi. Du serpent si sauvage ou de MOI, qui est le plus fort ?
- Oh! Pour moi, votre Altesse, quand vous êtes ici, vous êtes et de loin le plus terrible et sans conteste le plus fort de tous les animaux de Camargue. Le serpent lui, je ne le crains pas, je l’adore. - PARDON ? - Oh, oui, je les aime les serpents ! surtout les venimeux ce sont les plus goûteux.
Le taureau, épaté, se retourne et voit le serpent piteux qui essaie de s’esquiver
- Hop là, reptile borné, où rampes-tu donc ? Dis, si je suis plus fort que Néron et qu’il est plus fort que toi, alors je suis BIEN plus fort que toi ! Logique, Non ?
Le serpent désespéré, fait demi-tour et fonce vers le taureau. - NAN, Siii tu bouges...

Cette fois le taureau en a par dessus les naseaux, il bondit hors de portée et dit : - Néron, voici un petit en-cas pour remplir ton jabot... régale -toi !
- Oh, merci, Sire. Avec plaisir, Sire
Aussitôt le héron, pique le serpent de son bec et l’avale en deux battement d’ailes

Lorsqu’il a fini, le taureau ébahi, se décide enfin à parler : - Hé bien merci, heu!...cher Néron, de m’avoir débarrasé de ce petit inconvénient.

Le héron salue et s’éloigne. Quand il est suffisamment loin, il se retourne :
- Dites moi, Ô Roi de Camargue, si vous êtes si fort... pourquoi ne vous êtes-vous pas VOUS-MÊME débarrasé du serpent?
Un roi sans ses sujets ne serait-il qu’un verbe sans complément ?

Ce soir-là dans les marais, le taureau ne se pavanne plus. Il a eu chaud aux fesses et aussi froid dans le dos !
Il se demande s’il est vraiment le plus fort... Et le plus fort à quoi, d’abord ?
Il marche en regardant où il pose ses sabots de peur de retomber sur un serpent, un os, une épine ou peut-être ... une autre question.

“C’est par une multitude de détails que l’on transforme un moment en Camargue… en joli souvenir!”

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